Dialogue blanc
Formes brèves
C'est mort mec, on va rentrer avant la nuit. Je compte pas passer ma soirée à regarder des racines.
- Tu vois les araignées ? Elles émergent du néant pour se figer, elles ont un désert immense pour se développer, elles ont toutes les raisons du monde pour occuper l'espace et pourtant elles s'en tiennent à cette petite parcelle de rien.
- T'as pas une console chez toi ? On se ferait carrément moins chier.
- On peut créer toutes les histoires possibles avec ça, c'est la page blanche qui n'angoisse pas, celle qui appelle l'existence mais à qui on ne répond pas, par respect. Les pattes s'entremêlent aléatoirement, certaines semblent même sorties de nulle part ; C'est comme des fils tissés qui relient ce qu'on veut, tout est à écrire.
- Tu vas pas le faire ?
- Ça me rappelle un peu les observations foireuses sur les microscopes de lycée, les appareils étaient tellement dégueus qu'on ne voyait que des tâches informes sur un fond blanc sale. Je ne voyais jamais ce qu'il fallait mais je pouvais passer des heures à regarder ce qui ne correspondait à rien.
- Ouais, t'as pas changé en somme. Moi je t'annonce que j'ai faim et froid, et que si j'avais prévu ça, on serait pas potes aujourd'hui. Tu vois tout en blanc, ça en devient maladif.
- Les films en noir et blanc, je dis pas, c'est chiant comme la lune.
- Quel rapport ?
- Bah le noir et blanc. Celui là il est complètement naturel, t'imagines pas la couleur par dessus. Tu prends le truc tel quel et tu joues avec, t'attends pas un générique de fin pour que la lumière se rallume, retrouver ta vision habituelle. Là, ça bougera pas.
- Du coup c'est doublement chiant si ça n'a pas de fin, non ? Je suis pas à l'aise avec les trucs qui finissent pas. Tant pis pour tes araignées, t'en trouveras d'autres demain.
- On se retrouve demain ?
- Plutôt mourir.